1er novembre 2011

Ma chère Julie
En ce jour de la Toussaint 2011 ton souvenir est remonté du fond de ma mémoire car cela fait 30 ans aujourd'hui que tu n'es plus de ce monde.
Ta vie n'a pas été un long fleuve tranquille et ta mort en a suivi le cours.

Mais commençons par le commencement.
Les premières années de ton existence ont sans doute été heureuses jusqu'au jour où tes maîtres repartant en Angleterre n'ont pas pu, ou plutôt non pas voulu t'emmener avec eux pour t'épargner la quarantaine qui sévissait encore dans ce pays, et ont préféré te laisser à la S.P.A. de Benidorm.
Nous avons décidé de t'adopter pour le grand père russe de mon fils qui était sous le choc suite à la mort tragique de Sally pour laquelle il avait une profonde affection, mais qui n'aurait pas aimé Sally la merveilleuse?

Ceci étant une autre histoire revenons-en à la tienne.
Nous eûmes l'idée faramineuse de faire d'une pierre deux coups en allant te chercher par le petit train touristique qui reliait alors Alicante à Benidorm, et que nous avions l'habitude de prendre une fois par an pour le plus grand plaisir autant du petit-fils que du grand-père, avec l'intention de célébrer ton adoption dans un restaurant en bordure de plage.
Nous nous embarquâmes donc avec un panier de voyage pour chien, la rencontre fut réussie puisque dès les présentations tu sautas dans les bras du grand-père mais nous ne pûmes manger qu'un sandwich sur la plage tant l'odeur que tu dégageais était nauséabonde et je passerai brièvement sur le retour dans le petit train où nous ne savions où nous mettre.
Arrivée à la maison, outre les bestioles dont tu étais couverte, tu avais des selles sanglantes qui nous firent craindre le pire mais on vint à bout de tout sauf de faire de toi une jeune fille de bonne famille car, bien que très douce et gentille comme tous ceux de ta race, tu étais cavaleuse et il t'était facile de fausser compagnie au grand-père dont la maison donnait sur la plage. Je souris doucement en te revoyant encore revenir patte-dessus patte-desous avec le complice que tu avais invité à partager ton écuelle.
Le grand-père m'appela un jour au secours croyant que tu allais mourir mais je n'eus pas le temps d'appeler le vétérinaire qu'il me rappela avec cette fois un grand éclat de rire: tu venais d'avoir des petits et personne ne s'était aperçu de rien!

Mais le début de l'histoire devait se répéter à ceci près que tu restas dans la famille lorsque le grand-père partit aux Etats-unis devenant ma chienne pour, hélas, un temps bien court.
Lors d'une promenade des enfants insolents passèrent près de nous en donnant de grands coups de pied par terre pour t'apeurer, tu tiras si fort sur la laisse qu'elle se cassa et tu filas sur la route... Je mis des heures à te retrouver couchée dans un bac de fleurs pour voir tes jolis yeux cligner une dernière fois en me voyant...
Il n'y avait pas de cimetière animalier dans la région et je n'avais jamais entendu parler d'incinération pour les animaux, des amis très chers s'occupèrent de t'enterrer sous un olivier dans la campagne où ne passait pratiquement jamais personne après t'avoir soigneusement lavée et enveloppée dans une couverture.

Hélas ton histoire ne devait pas s'arrêter là!
Des jours de pluie intense suivirent et lorsque José et Peter retournèrent où tu reposais le spectacle qu'ils découvrirent fut horrible à voir. Tu avais été déterrée et ton pauvre corps gisait à plusieurs mètres de la tombe ouverte, la couverture avait disparue...
J'en fus tellement traumatisée que cela me valut deux années de grand deuil jusqu'au jour où le destin - ou toi peut-être - mit sur mon chemin Juliette dont tu as été la marraine posthume, d'où son nom.

C'est pourquoi j'ai décidé de te mettre sur le site à côté de mes chérinets, tu fais partie de la famille, tout comme ton second maître qui t'aima beaucoup et dont je ne peux faire ici l'éloge puisque ce site est réservé aux chiens, l'Université de Berkeley s'en est d'ailleurs très bien chargé lorsqu'il t'a rejointe neuf ans plus tard, tout comme mes amis José et Peter qui se sont comportés à l'occasion comme des frères en allant ramasser à la pelle ce qu'il restait de ta dépouille pour l'ensevelir dans un lieu que j'espère plus sûr.
Qu'ils en soient ici remerciés.

Julie, petite passante dans mon existence, tu as une place très spéciale dans mon coeur.